S’enchâssant dans le calendrier de la Classe Ultim, le départ de la dernière née des courses au large sera donné vendredi 1er à 13h de Concarneau : quatre maxi-trimarans en équipage, 3 500 milles, une triangulation canarienne et açorienne à accomplir. L’anticyclone des Acores étant plutôt oisif en juillet, le retour à Concarneau est prévu en 6-7 jours.
Une nouvelle course, c’est à chaque fois une page blanche à écrire. A fortiori quand la compétition est synonyme d’unique tuteur de la validité des efforts déployés – tant par les équipes à terre que sur l’eau – quand sonne l’heure du départ. La course au large a une vertu : elle s’accompagne à chaque fois de la crique de l’intelligence. Pourquoi ai-je été m’enferrer là ? Pourquoi ai-je, (a-t-on hésité) ? Pourquoi ?
C’est précisément ce que vont chercher les quatre maxi-trimarans Ultim menés en équipage qui quitteront Concarneau le 1er juillet pour cette première édition de la Finistère Atlantique – Challenge ACTION ENFANCE sur un parcours de 3 500 milles. Au théâtre, on appelle cela « la couturière » qui permet les dernières retouches, le rideau de la Route Rhum – Destination Guadeloupe s’ouvrant dans quatre mois.
Les Ultim descendront ensuite vers le cap Finisterre où ils auront le choix de passer à l’intérieur, ou à l’extérieur du DST. Puis direction Lanzarote, à laisser à tribord. Les équipages mettront ensuite le cap sur les îles des Açores et l’île de Pico qu’ils devront laisser à tribord avant un retour vers Concarneau. Il s’agit de « la distance d’une transat », ajoute Gildas Morvan, le directeur de course qui, avec les producteurs de l’événement, en a imaginé le parcours.
En l’absence de SVR – Lazartigue, dont la justice a été saisie pour trancher un litige qui oppose la Classe Ultim et l’armement de François Gabart – litige dont il n’est pas question de répercuter ni de commenter ici les inévitables réactions qui ont émaillé la chronique du grand large – ; il est ici, en revanche, question d’imaginer dans quelles « configurations de combat », selon l’expression imagée et martiale de Gildas Morvan, pourraient se trouver les quatre équipages sur ce parcours exigeant et stratégique.
Parcours dont il est difficile de nier qu’il donnera, à l’aune de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe dont le départ est fixé le 6 novembre, matière à enseignements, voire à conclusions – peut-être aussi un peu hâtives -, sur notamment les moyennes, les accélérations, les conditions de vol, etc. Sachant que les Ultim vont être menés « tambour battant », selon Gildas Morvan, pour ne pas dire durement.
Et qu’il sera, compte tenu du délai qui nous sépare du 6 novembre, presque impossible à ces mêmes armements de changer radicalement… de fusil d’épaule, mais éventuellement de trier les vrais détails des faux, chaque armement en lice ayant une conscience aigüe que les dés sont jetés, pour le dire prosaïquement.
Mais là n’est pas l’enjeu de ce nouvel opus au large. Il est à rechercher « dans la construction de ce qui nous conduit tous : la course. Et qui est la véritable épreuve du réel », se réjouit par avance Yves Le Blévec. A écouter le skipper d’Actual Ultim 3, qui a réuni autour de lui quatre équipiers chevronnés (ils le sont tous par ailleurs, est-ce utile de le préciser) et une équipière recherchée (Amélie Grassi), cette première de Finistère Atlantique – Challenge ACTION ENFANCE, dont Yves Le Blévec se félicite car elle tiendrait «d’une longue étape du Figaro ». Et précisément pourquoi ? « Par sa succession de segments à négocier qui recentrent les trajectoires, tout en ouvrant des options stratégiques », poursuit Yves Le Blévec, options qu’on imagine aussi passionnantes qu’indécises en fonction des conditions météo que les équipages vont rencontrer en approche de l’archipel de Madère, des Canaries et des Açores. Sans compter le probable petit temps pour ensuite faire route vers Concarneau, point de départ et d’arrivée.
Ainsi selon Yves Le Blévec, il faudra s’attendre, qu’à chaque passage dans ce « triangle », se dessine « un nouveau départ. A cela s’ajoute la distance puisque nous sommes quasiment dans un format de longueur identique à celui des transats automnales : six à sept jours de mer ». Yves Le Blévec concluant : « Nous aurons 6-7 jours à nous observer, nous comparer. Mais pour autant nous devons être aussi prudents avec les leçons à tirer : le Rhum se court en solitaire », sourit le marin de La Trinité-sur-Mer.
On parle rarement des enthousiasmes à se retrouver en flotte, tant la tension des dernières semaines dans le cénacle des Ultim en a parfois atténué légitiment le plaisir.
Armel Le Cléac’h, skipper du Maxi Banque Populaire XI, a toujours cette capacité à éclairer en peu de mots un objectif et lui donner sa véritable dimension : « Après avoir, ces derniers mois, validé un certain nombre d’éléments lors d’un aller-retour en Guadeloupe en configuration solo, explique t-il, il y a une forte attente à reprendre la mer en équipage, et surtout en course sur un parcours vraiment varié. On va mener le bateau à 100 % de ses capacités et la concurrence va faire de même. Donc on aura un état des lieux précis de nos forces à l’issue de Finistère Atlantique ».
Ou des faiblesses ? « Il faudra de toutes façons accepter ces phases plus faibles. Nous en avons tous, et nous en connaitrons tous sur ces six jours de course », conclut le skipper léonard avec le calme des veilles troupes.
Est-il besoin, encore une fois, de souligner à quel point Thomas Coville, skipper de Sodebo Ultim 3, possède le sens de la formule : « Je choisirais l’analogie cycliste pour le lecteur. Si le Rhum est le Tour de France par son gigantisme et sa pression médiatique, Finistère Atlantique est en quelque sorte le Critérium du Dauphiné : une course par équipes dans laquelle nous allons installer des jalons pour être prêts pour le jour J : le 6 novembre ».
Et où l’on apprend que Sodebo Ultim 3 a été considérablement modifié et qu’il s’agit d’une « version II » : « Cette course va nous permettre, car à la vérité nous ne naviguons pas assez, de valider et fiabiliser (plus grands safrans, plus grands foils) notre transformation. Car il s’agit bel et bien d’une transformation que l’on veut valider sur le champ de la confrontation, sur un parcours très ouvert où il y aura des phénomènes d’accordéon, de regroupements, etc », explique le skipper de Sobedo Ultim 3.
Dans la Classe Ultim 32/23, il y a toujours eu un favori : le Maxi Edmond de Rothschild ? Mais l’est-il encore réellement ? Souvent désigné comme celui-là au regard de ses pionnières évolutions, du métier et du talent des équipages, son statut va-t-il / peut-il être contesté ? Ce qui est épatant avec Charles Caudrelier c’est qu’il ne faut pas attendre la moindre complaisance envers lui-même, et pas plus à l’égard des autres d’ailleurs: « Oui, au statut de favori, mais de plus en plus contesté. Oui, l’étau de la concurrence se resserre de plus en plus sur nous. D’abord nos concurrents ne sont pas bêtes (il rit). Ensuite on l’a vu sur la dernière Jacques Vabre (transat, nldr) car notre avantage a été dû principalement à des coups météo ». Et de conclure : « Sommes très heureux de nous retrouver sur la ligne de départ : on manque cruellement de courses ».
La Finistère Atlantique – Challenge ACTION ENFANCE comble ce manque.