Après 4 jours 7 heures 24 minutes et 8 secondes de mer, le Maxi Banque Populaire XI a remporté ce mercredi 2 octobre 2024 à 20h24 la deuxième édition de la Finistère Atlantique entre Concarneau et Antibes. Quelques minutes après avoir franchi la ligne d’arrivée, son skipper, Armel Le Cléac’h, a confié sa satisfaction de finir la saison 2024 en beauté.
Deux ans après avoir terminé deuxième de la première Finistère Atlantique, vous remportez cette deuxième édition, quelle saveur a cette victoire ?
Elle a la saveur du travail bien fait. Tout l’équipage a été formidable, on s’est super bien entendu pendant cette course, à la fois sur les manœuvres, l’ambiance, la tactique. Nous avions bien travaillé en amont, nous avions fait pas mal de navigations tous les sept pour être justement prêts pour cette confrontation. Nous avions vu il y a deux ans que ça se jouait sur de petits détails, ça a encore été le cas cette année, il a fallu contenir Gitana (le Maxi Edmond de Rothschild,ndlr) jusqu’au bout, on a réussi à maîtriser la tête de course quasiment du début à la fin, c’est super, parce que ça montre que nous avions le bon équipage et que le bateau a répondu présent. Nous n’avons quasiment eu aucun problème pendant toute cette course, alors que les conditions étaient variées. Un grand bravo à toute l’équipe technique qui a fait un super job pour qu’on puisse l’utiliser à 100% !
Stratégiquement, où s’est jouée cette victoire ?
Je pense que le début de course était important. Il fallait partir devant, parce qu’on savait qu’après le passage du front au cap Finisterre, il y allait avoir un passage à niveau avec la dorsale. On avait vraiment envie d’être aux avant-postes, de pas ne faire distancer au début pour courir après les autres. On a réussi à être devant, on a bien géré ça et ensuite, après le passage de Lisbonne et l’avarie de SVR-Lazartigue, on s’est retrouvés en duel avec Gitana quasiment jusqu’à la fin. On a réussi à conserver la tête en Méditerranée, ce qui n’était pas facile, parce que les conditions étaient compliquées, très changeantes, pas forcément en adéquation avec les prévisions météo. Il fallait aussi regarder le plan d’eau, discuter avec l’équipage pour être au bon endroit au bon moment avec les bonnes voiles. On a réussi à le faire jusqu’à l’arrivée à Antibes, en recreusant pour garder suffisamment d’avance.
Quand on regarde le nombre de virements de bord et d’empannages que vous avez effectués, on se dit que vous avez dû prendre du muscle pendant cette course ?
Moi, pas trop, ça a plus chauffé dans le cerveau ! Mais c’est vrai qu’il y a eu énormément de manœuvres. Je pense que le fait d’être à sept nous a bien aidés, parce que l’équipe a pu bien se relayer et su intelligemment se reposer. Nous avions deux équipes de trois, nous n’étions pas de trop pour tout ce que nous avions à faire, on a bien tourné les manivelles. Je pense qu’on a dû faire notamment une quinzaine de virements pour passer le détroit de Gibraltar qui était très étroit avec ce DST à ne pas franchir. C’était compliqué, on a montré la voie, les autres ont fait la même chose derrière, on a regardé un peu ce qui s’est passé pour eux. Et même jusqu’au bout, à 5 milles de l’arrivée, on avait 30 nœuds, c’était un peu chaud, et en arrivant, plus rien, c’est vraiment l’ambiance méditerranéenne.
Comment avez-vous vécu la dernière journée avec la pression derrière vous du Maxi Edmond de Rothschild ?
J’ai senti beaucoup de sérénité au sein de l’équipage. Tout le monde était à sa place, on n’a pas commencé à se poser de mauvaises questions, on regardait bien sûr la position de Gitana, on voyait que de temps en temps, ça revenait, et qu’à d’autres moments, ça repartait en notre faveur. L’ambiance était positive, il y avait de la confiance à bord, tout le monde a pu s’exprimer et quand on a vu qu’on a commencé à creuser dans le golfe du Lion et à l’approche de Marseille, on savait que la course était jouée et que c’était à nous de ne pas faire de bêtises sur la fin. On a savouré ces dernières 24 heures, parce que ce n’est pas tous les jours qu’on gagne des courses, notamment en Ultim. C’est la deuxième fois pour nous avec Banque Populaire sur une course majeure, donc on est ravis, un an après la Jacques Vabre avec Sébastien (Josse), ça montre que le travail paie et qu’on a encore progressé sur le bateau, c’est super pour la suite.
Un de vos concurrents parlait jeudi de « belle route touristique » à propos de cette Finistère Atlantique, avez-vous profité du décor ?
Oui, nous avons eu de beaux passages : Gibraltar, les côtes espagnoles hier soir, c’était sympa, nous avons eu un beau coucher de soleil, puis lever de soleil ce matin. Clément (Duraffourg, le mediaman) a fait de super images avec son drone, c’était génial. Ça fait de bons souvenirs, on n’a pas forcément l’habitude d’utiliser ces caméras et ces moyens pour laisser des traces. Là, en plus de la victoire qu’on va évidemment garder dans nos têtes, on aura de belles images.
Vous disiez avant le départ que vous vouliez finir la saison par une victoire, comme en 2023 avec votre succès sur la Transat Jacques Vabre, mission accomplie ?
Oui, mission accomplie, c’est super de finir comme ça l’année qui a été dense pour Banque Populaire. Entre un tour du monde en solitaire, la flamme olympique, les Jeux à Marseille, la préparation de cette Finistère Atlantique, on n’a pas chômé, tout le monde a bien travaillé, cette victoire est méritée pour toute l’équipe qui a bossé pour que le bateau soit rendez-vous à chaque moment clé.
Ce type de course en équipage en Ultim, c’est à renouveler ?
Oui, carrément. J’ai vraiment apprécié, parce que ça change vraiment du solitaire. Là, on peut vraiment profiter du bateau à 100%, faire toutes les manœuvres qu’on veut. Quand je leur disais qu’on allait virer dans cinq minutes, jamais ils ne râlaient. C’est vraiment idéal de naviguer sur ces bateaux en équipage, passer le détroit de Gibraltar comme on l’a fait, c’est mission impossible en solo ou en double, là, on peut le faire sans souci.
La réaction de Sébastien Josse, qui a grandi à Nice et fait ses études à Antibes : « Depuis cet après-midi, c’est sûr que c’était sympa de faire des bords de 40 nœuds au large de la baie où j’ai appris à faire du bateau. On a eu une arrivée de nuit avec toutes les lumières sur la côte, avec un dernier run assez impressionnant, par contre pas le plus facile, parce qu’on s’est fait bien chahuter au large du cap d’Antibes, mais j’ai ressenti beaucoup d’émotion. On avait vu lors de la dernière édition de la Finistère Atlantique qu’on était arrivés quelques minutes derrière Gitana, cette fois-ci, la tendance s’est inversée, mais il y a eu du match, rien n’était jamais joué jusqu’à la fin. Tout l’équipage a fait un super boulot, c’étaient des métronomes, il n’y a pas eu de couac, pas de grain de sable. Armel a suivi une stratégie de fou et les barreurs, les régleurs, tout le monde a bossé de manière très professionnelle dans une bonne ambiance, c’est hyper agréable de naviguer dans ces conditions. »