Rien de plus émouvant que de lire, après trois jours, au sujet de la Finistère Atlantique, certains commentaires, aussi amusants qu’acrobatiques. Tout cela vous laisse plein d’étonnement : course qui ne sert à rien (oui, je l’ai lu). Sans compter les biens renseignés : manque le meilleur, sacrifié sur l’autel de la jalousie; on sait qui va gagner; l’équipage du bateau Machpro est de loin le meilleur; en revanche le bateau Trucmuche n’avance ni du cul ni de la tête, etc. Autant de sujets déclamatoires qui n’attendent que le forum.
La course au large ne vit pas à l’opposé de la réclame, et s’en réclame d’ailleurs, mais parfois la passion s’en trouve quelque peu stupéfiée. Car, au fond, que n’aurait-on dit si cette course précisément n’avait pas existé ? Qu’il aurait fallu l’inventer, pardi. Créer une course, aussi modeste soit-elle, est un exercice légèrement différent que de modeler un parcours en tordant un cintre sous une porte cochère pour lui donner l’apparence d’un triangle isocèle. Surtout quand un des protagonistes – et pas le moins célèbre – attend que justice lui soit rendue. Ou pas. Reste que le bel oiseau bleu de Concarneau va finir par passer pour un animal totémique ? Ou alors le serait déjà ?
Les créateurs de légende (s) ont tous commencé à l’arrière salle d’un bistro du port. Aujourd’hui c’est dans une salle climatisée où ronronnent des ordinateurs en batterie. Tous les jouets de ce peuple enfant qui souhaite voler sur l’eau – sans parler d’inventions pour le terrien parfois abracadabrantes- ne sont que des jouets coûteux, mais surtout d’artisans.
Que certains commentaires en arrivent presque parfois à les terrasser, alors que les mêmes se jetteront dessus pour les embrasser dans quatre mois à Saint-Malo, peut interroger.
Et c’est ainsi sommes-nous allez interroger l’homme au regard prompt comme un automatique : Loïck Peyron. Cestes retiré du peloton, mais avec toujours un œil sur le guidon :
1- si des enseignements doivent être tirés après 72 heures dans la perspective du Rhum : passez votre chemin. « Le solo, assure l’homme du Pouliguen, reste le solo et n’aura rien à voir à ce que nous avons sous les yeux ». Et qu’est qu’on aurait sous les yeux ? 2 – «Une course devant au contact entre Banque Pop’ et Gitana. Banque Pop’ semble avoir trouvé la manette des gaz au portant ; ils sont plus bas, plus vite ».
Loïck s’en revenant d’un week-end au Mans Classic, l’analogie pétroleuse tombe comme le pli du pantalon. Et 3 :«Actuel va revenir dans le match, quant à Sodebo, décalé à l’ouest, même si ces trajectoires sont belles, ne semble pas être totalement à l’aise dans le temps moyen ». Cela tient-il au fait que le bateau de Thomas Coville a moins navigué que celui d’Armel Cléach ? Fort probable. « Reste tout est cohérent, que les performances des uns et des autres sont extrêmement proches et que les effets élastiques sont annihilés par les vitesses sidérantes », reconnaît Arthur Le Vaillant. « Et c’est un long parcours. Tout semble possible », assure ce dernier qui sera sur le Rhum à bord d’un maxi-trimaran.
Les réflexions sur l’art du paysage en pleine mer sont toujours un peu des produits manufacturés : le bateau va bien, l’équipage va bien, etc. Cette vérité-là, on ne peut la nier. En effet les images envoyées, celles de Gitana notamment, dans la mer formée, sont saisissantes. Au fond la question qui se pose aux profanes est la suivante : les marins – au sens large – sont-ils des artistes ?
Jusqu’à il y a un siècle pour les peintres la nature était un élément du décor, un accessoire. Rien de plus. Thomas Coville, trois jours avant le départ, lâchait cette phrase : « Voler à 40 nœuds, à trois mètres au dessus de l’eau, est une expérience à laquelle on ne résout jamais, même si ça devient parfois la norme. En parler me fait presque frissonner ». En course on s’agenouille rarement devant un décor. C’est peut être pour ça que les mediamen ont été embarqués. A mediamen, préférons paysagistes. Et si c’étaient les nouveaux Hokusai* ?
Jean-Louis Le Touzet
Peintre japonais (1760-1849), célèbre, entre autres, pour La Grande Vague de Kanagawa.