Ces dernières 24 heures, le duel se corse entre les deux géants, Banque Populaire et le Maxi Edmond de Rothschild, qui affolent les compteurs et se tiennent en respect à très haute vitesse. Après le passage de la porte Canaries ACTION ENFANCE cette nuit dans un mouchoir de 38 secondes pour se départager, cette journée de lundi se poursuit sous le signe de la glisse, pied au plancher, direction de l’île Santa Maria dans le Sud-Est de l’archipel des Açores. Derrière, Sodebo Ultim 3 et Actual Ultim 3 s’accrochent pour tenir la cadence infernale imprimée par les deux premiers équipages au sommet de la performance. Dès la nuit prochaine, la flotte fera route retour au près vers Concarneau.
D’un bord à l’autre, les marins apprécient à sa juste valeur la régate au contact qu’ils disputent à l’échelle de l’Atlantique. D’une marque à l’autre, le moindre mille, le moindre dixième de vitesse se mérite. Dans cette navigation extrême, tous les petits coups tactiques sont permis comme l’illustre le passage la nuit dernière en mode match-race de la porte entre les îles de Lanzarote et Fuerteventura, qui a vu les hommes de Banque Populaire jouer l’intérieur. Et se faufiler devant pour une poignée de secondes. “C’est quand même assez exceptionnel sur ces bateaux-là d’avoir autant de proximité avec un concurrent au bout de trois jours de course. Un passage comme ça, c’est un moment assez unique,” confie ce matin Morgan Lagravière à bord du Maxi Edmond de Rothschild.
Mano a mano, coup sur coup
“On s’est relayés à la barre avec Franck, on a fait des pointes à plus de 40 nœuds, avec peu de lune, peu de repères visuels, c’est toujours un peu stressant et engagé. Mais c’est du bon stress et du bon engagement ! Il y a une petite frustration de ne pas être ressorti devant Banque Populaire mais ils ont été meilleurs que nous sur la trajectoire,” ajoute bon joueur ce barreur hors pair. Un peu plus tard, à l’heure de traverser le dévent de Madère, personne ne s’étonne de voir Charles Caudrelier et les siens rendre la pareille à l’équipage d’Armel Le Cléac’h. “On a passé la marque de Lanzarote en tête, à quasi égalité avec le Maxi Edmond de Rothschild. On ne se lâche pas depuis 48 heures. Tout se passait bien jusqu’à arriver sous le vent de Madère. Cela s’est joué à pas grand-chose. En dessous, ils ont réussi à mieux passer que nous. Mais là, ça repart bien,” raconte le skipper de Banque Populaire. Au dernier pointage, à 15 heures ce lundi, les deux bateaux de tête – qui d’après les statistiques n’ont jamais été séparés par plus de 25 milles sur les plus de 1600 milles déjà couverts sur la route théorique (plus de 50% du parcours) -, n’ont visiblement pas fini de se rendre coup sur coup.
Le plaisir de la glisse avant la remontée au près
Un peu plus tard, c’est au tour des hommes de Sodebo Ultim 3 de négocier le dévent de Madère sur la route entre les Canaries et les Açores. Bien dans le tempo sur les premières 48 heures, l’équipage de Thomas Coville, flashé à une vitesse moyenne de 38,25* nœuds sur plusieurs heures au large du Portugal, explique s’être fait ensuite décrocher dans un trou petit de vent. Comme quoi, le diable se niche dans les détails à ce niveau de performance. Et la moindre anicroche se paye cher en milles perdus. “On a passé pas mal de temps avec Banque Populaire qu’on a finalement perdu sur la route de Madère avec des vents un peu différents qui nous ont séparés. On a continué en glissant vers les Canaries où on a eu un passage bien venté cette nuit avec de belles manœuvres. Et là, on est au reaching, à fond vers les Açores,” explique Philippe Legros, performer et navigateur du 3ème bateau de la flotte.
Plus en arrière, à 180 milles environ des duos de tête, l’équipage mixte d’Actual Ultim 3 maintient aussi, malgré le terrain concédé, la cadence à grandes foulées de cette troisième journée de course. “On reste bien protégé des embruns par le cockpit fermé. On a un peu de mer, mais les foils nous apportent un peu de stabilité. Cela permet d’amortir pas mal les sauts de vagues. On ne galère pas trop pour se faire à manger ou dormir. Hormis le passage du cap Finisterre qui a été un peu « touchy », la vie à bord reste malgré tout très agréable”, raconte Anthony Marchand, barreur-régleur aux côtés d’Yves Le Blevec. Comme tous les 25 marins de cette Finistère Atlantique – challenge ACTION ENFANCE, il sait que la remontée vers Concarneau après le passage des Açores cette nuit pour les premiers, leur offrira un tout autre type de navigation, avec certainement plus d’inconfort. Deux fois la route, trois fois la peine : les occasions ne manqueront pas de tenter de reprendre du terrain avant l’arrivée sur cette remontée au louvoyage où les écarts vont certainement se faire et se défaire au rythme des fulgurantes accélérations et brutaux coups de frein que chacun des quatre protagonistes va encore connaître.